Bitcoin et Anonymat [mooc Bitcoin week #06]
Après avoir étudié le minage de Bitcoin la semaine dernière, on s’attaque cette semaine à un concept central dans le Bitcoin : l’anonymat. Nous allons tenter de répondre à la question suivante :
Est-ce que le Bitcoin permet de faire des transactions anonymes ?

# L’anonymat
Certains disent que le Bitcoin est une monnaie anonyme. C’est le cas, sur la page Donation du site WikiLeaks :
“Bitcoin is a secure and anonymous digital currency”

D’autres disent le contraire. Du coup, quel est le verdict ?
Littérallement, anonyme signifie sans nom. Les adresses en Bitcoin sont des hash de clés publiques et ne sont pas directement reliées à de vraies identitées. Dans la profession (informatique), c’est ce qu’on appelle plus précisément le pseudonymat. Ce n’est pas directement notre identité, mais un pseudo, que nous allons utilisé pour communiquer sur le réseau.
L’anonymat, c’est le pseudonymat plus la non-traçabilité des intéractions, c’est à dire la non- capacité d’associer plusieurs intéractions différentes à un même utilisateur.
Sur plein de sites et forums, vous choisissez un pseudo pour intéragir avec le reste de la communauté. Ce pseudo n’est pas relié à votre identité mais vos différents messages remontent bien à votre pseudo.
Dans le cas du Bitcoin, les bons (et fiables) services d’échanges demandent un pseudo mais surtout votre identité réelle ainsi que des pièces justificatives. Puisqu’elles sont une plateforme d’échange d’argent, elles sont soumises à la loi et respectent le KYC — Know-Your-Customer - Policy, qui imposent d’avoir un certain nombre de justificatifs pour lutter contre le blanchissement d’argent.
En observant la blockchain, il est tout à fait possible de détecter les actions d’un utilisateur sur le réseau et donc lever l’anonymat :
- regrouper les adresses d’un même utilisateur, les transactions, leurs destinataires
- observer les heures de transactions, les montants
- …
La non-traçabilité est quasi impossible avec le Bitcoin : c’est une blockchain ouverte à tous.
C’est pour cela qu’on n’entend pas forcément de grand délit basé uniquement sur le bitcoin (surtout ces dernières années à travers les plateformes établies). Si une personne regroupe une grosse somme d’argent pour le retirer, cela ne va pas passer inaperçu. Cela donne un indice pour ensuite remonter le fil et déduire énormément d’éléments. On abordera un exemple plus parlant (le fondateur de Silk Road).
Vous l’avez compris, le Bitcoin est davantage un réseau de pseudonymes qu’un réseau d’anonymes.
# Comment dé-anonymiser le Bitcoin
Nous allons voir maintenant comment remonter les transactions d’un utilisateur.
Prenons, l’exemple suivant : vous avez été suffisament prudent et vous avez créé des clés différentes à chaque fois pour recevoir des transactions (c’est ce que fait WikiLeaks). Maintenant, vous voulez dépenser votre argent dans une magnifique théière. Vous créer donc une transaction pour le marchand.

Néanmoins, dans aucun de vos portefeuilles, vous n’avez la somme suffisante. Vous devez donc créer la transaction avec plusieurs entrées. De cette manière, un observateur peut fortement supposer que ces deux portefeuilles appartiennent à la même personne. Aussi simple que cela.
En 2011, des chercheurs se sont intéressé à cela et ils ont tracé le graphe suivant où chaque cercle est une adresse bitcoin.

Des cercles principaux se distinguent très rapidement : ce sont les plateformes d’échanges. En interagissant avec, il est possible de mettre un nom dessus et de casser leur pseudo (adresse publique).
En plus des informations présentes sur la blockchain, il y a aussi toutes les informations visibles par les noeuds du réseau. Lorsque vous créez une transaction avec votre client Bitcoin, vous le transmettez au réseau en incluant notamment votre adresse IP. Cette info facilite la découverte de votre identité.
Une solution est d’utiliser le navigateur TOR qui permet de brouiller les pistes entre l’expéditeur et le destinataire.
# Mixing
Pour protéger votre anonymat avec le Bitcoin, une solution est d’utiliser un intermédiaire, exactemment comme le sont les portefeuilles en ligne. Ils centralisent des fonds et les redistribuent sans mettre en évidence le lien entre l’entrée et la sortie, tellement il y en a !
Il existe des services spécialisés pour servir d’intermédiaire et brouiller les pistes : ce sont les mixing (ou mixer).
Le concept est simple : j’envoie des fonds, et ils les font transiter par plusieurs transactions.

Idéalement, ils prélèvent une comission pour faire en sorte que l’entrée soit différent à la sortie. Néanmoins, il est plus sûr d’alterner entre prendre une commission et ne pas en prendre (de manière aléatoire) pour déjouer encore plus la traçabilité !
# Mixing décentralisé
Ces services de mixing ne sont pas très populaires. C’est pour cela qu’une approche décentralisée a été imaginée. Un des developpeurs principaux du Bitcoin a présenté le Coinjoin, une altcoin.
L’idée est de se regrouper avec d’autres pour effectuer une transaction. Le lien entre les entrées et sorties n’est connu qu’entre les protagonistes.

La marche à suivre est relativement simple :
- trouver des pairs prêts à se joindre à nous
- échanger les adresses d’entrée et de sortie
- un des pairs créé la transaction
- transmettre la transaction

Plusieurs problèmes émergent et le CoinJoin n’est pas la solution parfaite :
- comment trouver des paires ?
- les autres pairs connaissent la combinaison
- si un des pairs tente une double dépense et que la transaction est rejetée, que faire ?
Le Zerocoin résout l’aspect public des transactions de la blockchain en incluant directement dans son protocole un service de mixing.
# Tor et the Silk Road
Un service qui a fait beaucou parlé de lui il y a quelques années est Silk Road. Une sorte d’ebay utilisant le navigateur anonyme Tor et le Bitcoin comme monnaie d’échange. Pour faire simple c’est une place de marché noire qui vendait principalement des choses illégales : armes à feu, drogues, contenus sensibles, contrat de tueur à gages …

Si le fondateur semblait riche, il possédait pourtant un trésor auquel il ne pouvait pas toucher et ni transférer en dollars. Les portefeuilles bitcoin de la plateforme avaient été identifiés et le moindre mouvement permettrait aux autorités de remonter jusqu’à lui encore plus facilement.
Finalement, en octobre 2013, le fondateur, Ross William Ulbricht, est arrêté par le FBI puis condamné à la prison à perpépuité. #gameOver
Bitcoin, monnaie intraçable ? Pas vraiment…
# Conclusion
Ce point sur l’anonymat est vraiment important car on entend vraiment tout et n’importe quoi à ce sujet. Le Bitcoin est pseudo-anonyme car la non-traçabilité des transactions n’est pas assurée. Des altcoins ont vu le jour pour combler cette faiblesse.
La suite de la restitution de ce mooc sera plus condensée. Selon moi, nous avons vu les concepts fondamentaux. Le mooc aborde ensuite des sujets plus haut niveau et moins intéressants à vous partager via ce blog. Je vous laisserai juger.
Sommaire
- Semaine 01 : Introduction à la Crypto et aux Cryptomonnaies
- Semaine 02 : Comment le Bitcoin arrive-t-il à être décentralisé ?
- Semaine 03 : La Mécanique du Bitcoin
- Semaine 04 : Comment Stocker et Utiliser des Bitcoins
- Semaine 05 : Bitcoin Mining
- Semaine 06 : Bitcoin et Anonymat
- Semaine 07 à 11: article commun
Sources et ressources complémentaires